Temps partiel : le piège discret de la déduction de coordination

Temps partiel : le piège discret de la déduction de coordination

Lundi, Mars 31, 2025

En Suisse, le recours au travail à temps partiel ne cesse de progresser. Il répond à une recherche croissante de flexibilité et d’équilibre entre vie professionnelle et vie personnelle. Toutefois, cette forme d’emploi cache un désavantage structurel encore peu connu : l’impact disproportionné de la déduction de coordination sur la prévoyance professionnelle (LPP).

La déduction de coordination est une somme forfaitaire – fixée à 26’460 francs en 2025 – qui est soustraite du revenu annuel brut pour déterminer le salaire assuré dans le cadre du 2e pilier. Cette déduction est censée représenter la partie du revenu déjà couverte par l’AVS. Mais elle s’applique de manière uniforme, quel que soit le taux d’activité de l’assuré. Ce mécanisme pénalise particulièrement les personnes travaillant à temps partiel, car plus le taux d’activité est réduit, plus la déduction pèse lourdement sur le revenu assuré.

Prenons un exemple. Une personne employée à plein temps avec un revenu annuel de 80’000 francs se verra appliquer une déduction de 26’460 francs. Son salaire assuré sera donc de 53’540 francs. Si cette même personne travaille à 80 %, son revenu passe à 64’000 francs. La déduction reste pourtant identique, ce qui fait chuter son salaire assuré à 37’540 francs. Et si l’on descend à un taux d’activité de 50 %, le revenu brut tombe à 40’000 francs et le salaire assuré s’effondre à seulement 13’540 francs.

Ces chiffres permettent de visualiser concrètement l’effet de la déduction non ajustée :

Taux d’activitéRevenu annuel brutDéduction non ajustéeSalaire assuréSalaire assuré si ajustement
100 %CHF 80'000CHF 26’460CHF 53’540CHF 53’540
80 %CHF 64'000CHF 26’460CHF 37’540CHF 42’832
50 %CHF 40'000CHF 26’460CHF 13’540CHF 26’770

Lorsque la déduction est ajustée au prorata du taux d’activité, le salaire assuré reste plus cohérent par rapport au revenu réel de l’assuré. Malheureusement, la majorité des caisses de pension ne procèdent pas à cet ajustement, sauf exception volontaire ou convention collective spécifique.

Ce détail technique a des conséquences concrètes et durables. Les cotisations LPP – part employé et part employeur – sont prélevées sur le salaire assuré. Moins ce dernier est élevé, moins les cotisations versées le sont également. À terme, cela signifie une épargne retraite plus faible, une rente vieillesse réduite, et une protection en cas d’invalidité ou de décès également amoindrie. Pour les personnes ayant connu une activité réduite sur une longue période, les lacunes de prévoyance peuvent être importantes, voire critiques.

Il est donc essentiel, pour toute personne travaillant à temps partiel, de prendre conscience de ce mécanisme. Il convient de consulter son certificat de prévoyance, d’interroger sa caisse de pension sur la manière dont la déduction est appliquée, et d’évaluer les éventuelles lacunes. Il est parfois possible d’effectuer des rachats dans la caisse de pension pour combler les manques, mais ces opérations ont un coût et doivent être planifiées avec attention.

En définitive, la déduction de coordination fixe constitue une faille du système de prévoyance actuelle, peu visible mais à fort impact. Une meilleure information et une gestion proactive de sa situation peuvent permettre de limiter les effets négatifs de ce mécanisme, et garantir à terme une retraite plus sereine.

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Raphaël Jordi, B.Sc. Econ.

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