Articles

Depuis jeudi 19 juin, la Banque nationale suisse (BNS) a abaissé son taux directeur à 0 %. Une décision historique qui s’inscrit dans un contexte économique très favorable. Croissance modérée, inflation maîtrisée, franc fort : autant de signaux qui donnent à la BNS une marge de manœuvre pour stimuler encore un peu plus l’activité intérieure.
Cette conjoncture pousse naturellement les particuliers à reprendre confiance. Le crédit devient plus accessible, les charges hypothécaires baissent, et l’envie d’investir ou de consommer revient. Pourtant, dans cette euphorie relative, il est essentiel de garder la tête froide.
Voici cinq erreurs de gestion patrimoniale qu’il convient absolument d’éviter dans une période de taux bas.
1. Laisser dormir trop de liquidités sur son compte
Quand l’épargne ne rapporte rien, chaque franc laissé inactif perd de sa valeur réelle. L’inflation, même modérée, agit comme une érosion silencieuse. En période de taux bas, le coût d’opportunité de ne pas investir est d’autant plus élevé.
Ce qu’il faut faire : Conserver une réserve de précaution. Mais au-delà, votre capital doit travailler. Investir progressivement via des portefeuilles diversifiés permet d’allier prudence et rendement, sans prise de risque excessive.
2. S’endetter sans vision à long terme
Les taux hypothécaires sont attractifs, et beaucoup songent à investir dans la pierre. Mais attention : un taux à 1,0 % aujourd’hui, ce n’est pas une promesse éternelle. Certes, les banques suisses continuent de calculer la capacité d’emprunt sur un taux théorique de 5 %, ce qui protège en partie l’emprunteur. Mais cela ne garantit ni un remboursement, ni une revente facile.
Ce qu’il faut faire : Rester réaliste. Une hypothèque est une dette de long terme, souvent conservée jusqu’à la retraite. Elle doit être amortie partiellement, voire remboursée, avant la fin de l’activité professionnelle. Une planification de sortie (vente, amortissement indirect) doit être envisagée dès le départ.
3. Conserver une stratégie obligataire "classique"
C’est peut-être le point le plus délicat. En théorie, les obligations sont un socle de stabilité dans un portefeuille. En pratique, à taux zéro, elles n’offrent plus de rémunération significative et s’exposent même à un risque de perte si les taux remontent.
Ce qu’il faut faire : Soyons clairs : mettre aujourd’hui une part importante de votre portefeuille dans des obligations à long terme est une erreur. Le rendement est quasi nul et la marge de progression inexistante. Mieux vaut temporairement renoncer à cette classe d’actifs ou se tourner vers des solutions flexibles, alternatives ou à duration courte, intégrées dans une approche plus dynamique.
4. Croire que cette situation va durer indéfiniment
L’erreur la plus fréquente consiste à penser que ce nouvel environnement de taux bas est durable. Mais les marchés financiers sont cycliques. Les taux remonteront un jour, et la BNS ne restera pas éternellement sur une politique accommodante.
Ce qu’il faut faire : Intégrer dès maintenant des scénarios de hausse dans votre planification. Il est plus facile de s’adapter quand on est préparé que de réagir dans l’urgence.
5. Se tourner vers des produits trop risqués pour compenser le manque de rendement
Dans l’espoir de faire "mieux que le compte épargne", certains investisseurs se tournent vers des solutions complexes : produits structurés mal compris, placements exotiques, promesses de rendement élevé. Cela peut sembler séduisant… jusqu’à la première mauvaise surprise.
Ce qu’il faut faire : Rester fidèle à des principes simples : comprendre chaque produit, connaître les risques, rester liquide, diversifier. Et surtout : ne jamais investir dans quelque chose que l’on ne comprend pas.
En résumé
Oui, la conjoncture est favorable. Oui, les taux sont à zéro. Mais non, cela ne signifie pas que tout est possible. Dans cet environnement stimulant, la maîtrise de votre stratégie patrimoniale est plus importante que jamais.
Une bonne décision financière n’est pas celle qui suit la mode du moment, mais celle qui s’inscrit dans une vision de long terme, alignée avec vos objectifs personnels.

Raphaël Jordi, B.Sc. Écon. — Spécialiste Assurance / Prévoyance IAF
NB : Finance Lab se démarque en choisissant volontairement de ne pas vendre de produits financiers afin de conserver l'intégralité de son indépendance. Dans ce cadre, nous intervenons uniquement dans le cadre d'un mandat d'expertise neutre (art. 394 et ss CO).