Rente ou capital ? Une décision plus complexe qu’il n’y paraît

Rente ou capital ? Une décision plus complexe qu’il n’y paraît

Lundi, Mai 26, 2025

À l’approche de la retraite, le système suisse offre aux assurés une possibilité rare : percevoir une rente mensuelle à vie ou retirer leur avoir de prévoyance sous forme de capital. Cette flexibilité, en apparence simple, cache l’une des décisions les plus engageantes et complexes en matière de gestion partimoniale.

Un choix difficile à maîtriser

Sans entrer dans le détail des multiples lois, ordonnances, règlements et jurisprudences en constante évolution, il est clair que peu de personnes disposent des outils pour prendre cette décision en pleine connaissance de cause.

Certains remettent ce choix à plus tard, repoussant l’échéance face à la technicité du sujet et à l’engagement qu’il implique. D’autres s’y attèlent avec bonne volonté, parfois même avec de solides compétences personnelles. Pourtant, rares sont ceux qui disposent d’une vision d’ensemble suffisamment structurée pour éclairer un choix aussi déterminant.

Cependant, avant même de consulter un professionnel, certains paramètres devraient être pris en compte.

L’équation longévité : un facteur central

Opter pour une rente, c’est en réalité faire un pari sur sa propre espérance de vie. Les calculs actuariels sont explicites : il faut généralement vivre au-delà de 80 à 82 ans pour que la rente devienne plus avantageuse qu’un retrait de capital bien investi. Cette donnée prend tout son sens lorsque l’on sait que l’espérance de vie moyenne en Suisse atteint 85 ans pour les femmes et 81 ans pour les hommes.

Dans le cadre d’un couple, l’équation se complique. Les conditions de la rente de survivant varient considérablement d’une caisse à l’autre. Certaines maintiennent 100 % de la rente pour le conjoint survivant, d’autres limitent cette prestation à 60 %, et certaines l’annulent même en cas de remariage. Ces disparités peuvent représenter des montants significatifs sur la durée.

L’impact fiscal : un levier à ne pas négliger

Souvent sous-estimé, l’impact fiscal peut pourtant modifier profondément l’issue du calcul. Le capital est imposé une seule fois, à un taux préférentiel qui varie selon les cantons. Mais il faut se méfier de l’effet de cumul : tous les retraits de prévoyance effectués la même année fiscale (notamment les avoirs du 3e pilier) s’additionnent, augmentant sensiblement le taux d’imposition si la planification n’est pas anticipée.

La rente, de son côté, est imposée chaque année comme un revenu ordinaire. Sur vingt ans, la différence de traitement fiscal entre les deux options peut se chiffrer en dizaines de milliers de francs.

Une stratégie souvent négligée mérite d’être mentionnée : l’approche mixte. Elle consiste à percevoir une rente partielle pour couvrir les besoins essentiels, tout en retirant une partie du capital pour des projets ou une transmission patrimoniale. Elle permet une optimisation plus fine, tant sur le plan fiscal que personnel.

Intégrer vos objectifs de vie

Une analyse purement mathématique ne suffit pas. Cette décision doit avant tout s’inscrire dans une réflexion plus large, centrée sur vos objectifs de vie.

Souhaitez-vous léguer un patrimoine ? Préférez-vous conserver votre logement ou en changer pour un plus petit ? Avez-vous le temps et les compétences pour gérer vos investissements ? Valorisez-vous davantage la sécurité d’un revenu stable ou la liberté de disposer de votre capital ?

Autant de questions fondamentales qui orientent le choix vers une solution cohérente, au-delà de la seule logique de rendement.

Méfiance avec les planifications "gratuites"

Le marché regorge aujourd’hui d’offres de planification à prix attractif. Cette accessibilité masque, des conflits d’intérêts structurels : le conseil n’est pas rémunéré par l’honoraire payé, mais par l'espérance de vente de produits financiers post conseil.

Une analyse sérieuse, personnalisée, prenant en compte à la fois les aspects techniques et humains, nécessite entre 8 et 15 heures de travail. Selon la complexité du dossier, les honoraires s’échelonnent entre 150 et 300 francs de l’heure. Ainsi, tout tarif inférieur soulève légitimement la question de la neutralité du conseil.

Une méthode holistique

Une décision éclairée repose sur une double analyse.

D'une part, l’approche quantitative qui intègre des calculs personnalisés, des projections fiscales sur 25 ans, une modélisation réaliste des rendements, ainsi que la prise en compte de l’inflation et de la fiscalité de votre lieu de résidence.

D'autre part, l'approche qualitative, examine vos objectifs patrimoniaux, votre situation familiale, votre horizon temporel, et votre tolérance au risque.

Ce processus structuré permet la mise en place de scénarios qui pourront être comparés afin d'élaborer une stratégie sur-mesure, avec votre vision et votre situation partimoniale personnelle.

Raphaël Jordi, B.Sc. Écon.

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