Propriétaire en suisse : un rêve qui s’éloigne

Propriétaire en suisse : un rêve qui s’éloigne

Lundi, Avril 7, 2025

En Suisse, l’accession à la propriété a toujours représenté un idéal de stabilité. Acheter un logement, c’est poser ses valises, sécuriser son avenir et se constituer un patrimoine. Pourtant, année après année, ce rêve devient de plus en plus difficile à concrétiser pour les jeunes ménages, les primo-accédants et même les classes moyennes supérieures.

Les règles du jeu n’ont pas changé

Depuis l’éclatement de la bulle immobilière suisse au début des années 1990, les établissements bancaires ont renforcé leur politique de risque en matière de financement hypothécaire. Aujourd’hui, les règles sont strictes et bien établies : pour acquérir un bien immobilier, l’acheteur doit pouvoir apporter au minimum 20 % de fonds propres, dont au moins 10 % doivent provenir de sources autres que le 2ᵉ pilier (par exemple de l’épargne personnelle ou un don familial).

Par ailleurs, la capacité de remboursement est encadrée par une règle dite du tiers : les charges théoriques liées à l’hypothèque (intérêts calculés à un taux de référence de 5 %, amortissement du 2ᵉ rang et frais d’entretien estimés à 1 % de la valeur du bien) ne doivent pas dépasser 33 % du revenu brut du ménage. Cette approche vise à garantir la viabilité financière du projet, même en cas de remontée des taux.

Mais dans le contexte actuel — salaires peu dynamiques, inflation persistante, prix de l’immobilier en hausse —, ces exigences deviennent de plus en plus difficiles à satisfaire, en particulier pour les primo-accédants ou les foyers sans soutien externe.

Quand l’économie se déconnecte du logement

Depuis 2017, les salaires nominaux en Suisse progressent lentement, avec une croissance moyenne comprise entre 0,5 % et 1 % par an. Cette évolution modeste contraste fortement avec celle du marché immobilier, où les prix des logements ont augmenté de plus de 25 % sur la même période. Ce décalage met en évidence une dynamique haussière des prix largement déconnectée de celle des revenus des ménages.

La situation est d’autant plus préoccupante si l’on tient compte de l’inflation, qui, après une décennie de stabilité, a connu un net regain en 2022 (+2,8 %) et 2023 (+2,1 %). Cette pression sur les prix a entraîné une érosion du pouvoir d’achat réel, réduisant la capacité des ménages à épargner — et donc à constituer les fonds propres nécessaires à un achat immobilier.

Or, les règles de financement n’ont pas changé : il faut toujours pouvoir apporter 20 % de fonds propres, dont une partie hors 2e pilier. Mais l’immobilier augmente plus vite que la capacité d’épargne, ce qui signifie qu’un ménage, même rigoureux et prévoyant, épargne souvent moins rapidement que n’augmente le montant nécessaire pour acheter un bien équivalent.

Autrement dit : plus on attend, plus l’objectif s’éloigne. Et à moins de revoir ses attentes à la baisse — en termes de surface, de localisation ou de qualité du bien —, il devient de plus en plus difficile de viser un logement aux caractéristiques précises sur le moyen terme.

Pour visualiser cette réalité, voici un graphique construit à partir des données officielles de l’OFS, comparant l’évolution des salaires, des prix de l’immobilier et de l’inflation cumulée depuis 2017 :

Comme on le voit sur le graphique, les prix de l’immobilier augmentent bien plus vite que les salaires ou l’inflation. L’écart se creuse d’année en année, ce qui rend l’achat d’un bien de plus en plus difficile à financer, même pour les ménages avec des revenus stables.

Pénurie, politique et pression démographique

La situation est encore rendue plus difficile par la pénurie de logements, particulièrement marquée en Suisse romande. Le manque de terrains constructibles, les délais administratifs toujours plus longs, les normes énergétiques strictes et les blocages politiques freinent fortement la construction de nouveaux logements.

Résultat : l’offre ne suit pas la demande, surtout dans les zones urbaines et bien desservies. Les prix continuent de grimper, tirés par une pression constante sur le marché.

Et paradoxalement, plus on met du temps à épargner, plus le rêve de devenir propriétaire s’éloigne. Car pendant que l’on économise, les prix continuent d’augmenter plus vite que la capacité d’épargne. Ce décalage crée un effet de course contre la montre pour de nombreux ménages.

Que faire face à cette tendance ?

Face à ce constat, il existe heureusement des leviers d’action concrets :

1. Faire évoluer ses revenus

Dans un contexte de croissance salariale modeste, il est crucial de revaloriser ses compétences régulièrement, négocier ses revenus ou envisager des reconversions stratégiques pour progresser financièrement.

2. Structurer sa situation personnelle

L’accession à la propriété se prépare des années à l’avance. Planifier sa fiscalité, optimiser ses piliers de prévoyance, gérer ses charges : chaque détail compte pour libérer du capital et améliorer sa capacité d’épargne.

3. Réduire les pertes liées aux frais

Certains produits bancaires ou placements proposés par défaut peuvent entraîner des frais cachés qui freinent l’accumulation de capital. Une analyse précise permet d’éliminer les inefficiences et de récupérer ce qui vous revient.

4. Considérer les régions encore abordables

Des régions périphériques, bien connectées, en mutation ou simplement moins prisées, offrent encore des opportunités d’achat intéressantes. Il faut parfois oser s’éloigner pour mieux s’établir.

Une situation exigeante… mais pas sans solutions

L’accès à la propriété se complexifie, mais une approche structurée permet encore de faire la différence. Chez Finance Lab, nous adoptons une démarche technique et rigoureuse : simulations personnalisées, scénarios comparés, stratégies réalistes.

Notre objectif : vous aider à clarifier vos marges de manœuvre et à tracer un chemin viable vers l’acquisition, sans parti pris ni produits à vendre.

Raphaël Jordi, B.Sc. Econ.

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