Produits structurés : quand des produits à haut risque deviennent des produits de masse

Produits structurés : quand des produits à haut risque deviennent des produits de masse

Mardi, Juin 10, 2025

Les produits structurés occupent une place croissante dans l'offre bancaire suisse, présentés comme des solutions d'investissement capables de générer des rendements même en période de stagnation des marchés.

La mécanique complexe des produits structurés

Un produit structuré fonctionne comme un pari conditionnel sur l'évolution d'actifs sous-jacents: actions, indices boursiers, taux d'intérêt ou devises. Sa particularité réside dans ses règles de rémunération strictement définies : les coupons ne sont versés que si certaines conditions de marché sont respectées, la protection du capital n'est garantie qu'à l'échéance finale, et des pertes importantes peuvent survenir dès le franchissement de barrières prédéfinies.

Cette structure crée fréquemment une asymétrie défavorable à l'investisseur : les gains potentiels sont plafonnés tandis que les pertes ne le sont pas, dans un cadre où les règles du jeu manquent de transparence et de simplicité.

Le risque de contrepartie

Point crucial souvent négligé : un produit structuré constitue juridiquement un titre de créance émis par l'établissement financier. L'investisseur ne possède ni actions ni parts de fonds, mais uniquement une promesse de remboursement de la banque émettrice. En cas de défaillance de cette dernière, la perte peut être totale, indépendamment de la performance des marchés sous-jacents.

Ce risque de contrepartie bancaire représente une composante structurelle fondamentale, fréquemment sous-estimée lors de la prise de décision d'investissement.

Cadre réglementaire allégé

Les produits structurés bénéficient d'un traitement réglementaire distinct et plus souple que les fonds de placement collectifs soumis à la LPCC (Loi sur les placements collectifs de capitaux). Cette différence d'encadrement se traduit par plusieurs écarts significatifs :

Absence d'obligations de documentation stricte : contrairement aux fonds LPCC, aucun prospectus détaillé conforme aux standards réglementaires n'est requis, limitant la description claire des risques, coûts et stratégies d'investissement.

Gouvernance simplifiée : les produits structurés échappent à la surveillance indépendante obligatoire par une société de gestion et une banque dépositaire, l'émetteur conservant un contrôle intégral sur le produit.

Supervision réglementaire réduite : la FINMA n'exerce pas le même contrôle régulier sur la gouvernance et les pratiques de distribution que pour les véhicules d'investissement collectif traditionnels.

Cette différence d'encadrement ne rend pas ces produits illégaux, mais souligne un niveau de protection réglementaire inférieur pour les investisseurs.

Alternatives transparentes et régulées

Pour les investisseurs privilégiant la transparence et la simplicité, les ETF indiciels et les fonds soumis à la LPCC offrent une exposition claire et diversifiée aux marchés financiers. Ces instruments bénéficient d'une gouvernance stricte, d'une fiscalité compréhensible et de frais généralement maîtrisés, tout en garantissant une liquidité quotidienne.

Conclusion

Les produits structurés peuvent convenir à des investisseurs avertis, capables d'analyser précisément leurs mécanismes de rémunération et d'évaluer leurs risques spécifiques. Cependant, pour l'investisseur privé standard, ces instruments demeurent complexes, faiblement encadrés et structurellement asymétriques.

Dans la majorité des situations d'investissement, des solutions plus simples et mieux régulées offrent un rapport risque-transparence nettement plus favorable, aligné sur les objectifs de diversification et de performance à long terme.

Raphaël Jordi, B.Sc. Écon.,

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