Monday Letter : Quand les Assurés Perdent Confiance dans le Système

Monday Letter : Quand les Assurés Perdent Confiance dans le Système

Lundi, Février 10, 2025 Santé Assurance

Les récentes décisions des assureurs, comme celles d’Helsana et du Groupe Mutuel, soulèvent des questions sur la stabilité des prestations et la protection des assurés face aux changements unilatéraux des contrats.

Les assureurs maladie ne sont pas à leur premier coup d'éclat. Déjà en 2024, le Groupe Mutuel avait réduit certaines prestations offertes dans le cadre de ses assurances complémentaires santé, et ce, sans préavis. L'intervention directe sur les prestations peut surprendre les assurés, mais elle repose sur une base légale solide : en Suisse, le droit des obligations (CO) et la loi sur le contrat d'assurance (LCA) encadrent ces pratiques. La liberté contractuelle prévaut, et les avenants aux contrats prévoient en petits caractères la possibilité pour l'assureur de modifier certaines conditions.

Aujourd'hui, c'est Helsana qui suscite la controverse. L'assureur a décidé de bloquer temporairement, avec effet immédiat, le remboursement des prestations de certaines cliniques genevoises. Conséquence : des opérations annulées quelques heures, voire quelques jours avant leur réalisation. La raison avancée ? L'absence d'accord entre le modèle tarifaire des médecins genevois exerçant en qualité libérale au sein des cliniques privées et les standards tarifaires imposés par Helsana. Cette décision a suscité une forte réaction de la part des patients concernés, qui se retrouvent dans l'incapacité de recevoir des soins prévus de longue date.

Cette situation soulève une question cruciale : les assurés peuvent-ils changer d'assureur si les conditions deviennent inacceptables ? Pas si simple. En vertu de la LCA, les assureurs ont le droit de sélectionner leurs clients par le biais d'un questionnaire de santé. Ainsi, les personnes âgées ou présentant des pathologies préexistantes peuvent se retrouver dans l'impossibilité de changer d'assureur et restent captives de leur contrat.

Un Modèle de Protection Fragilisé

Concrètement, pour les assurés, ces changements arbitraires fragilisent la confiance dans l'assurance complémentaire. Payer des primes toute sa vie pour voir, un jour, ses prestations diminuer ou disparaître est difficilement acceptable. La prévisibilité et la stabilité du système de santé sont mises à rude épreuve. D'autant plus que l'effet d'annonce d'une telle décision crée un climat d'incertitude, où les patients hésitent désormais à souscrire une assurance complémentaire, de peur de se retrouver dans la même situation à l'avenir.

Pourtant, malgré ces incertitudes, il reste judicieux de souscrire à une assurance complémentaire, dans la mesure du possible. La LAMal présentant des lacunes, certaines prestations essentielles, comme les soins dentaires, les médecines alternatives ou encore les chambres privées en cas d'hospitalisation, restent inaccessibles sans complémentaire. Toutefois, il devient impératif pour les consommateurs d’analyser minutieusement les clauses des contrats, en particulier celles portant sur les possibilités de modifications unilatérales par l’assureur.

Vers une Accessibilité Réduite de la Santé en Suisse

La question de l'accessibilité aux soins devient de plus en plus préoccupante. Les primes d'assurance maladie augmentent chaque année, pesant toujours plus lourd sur les budgets des ménages suisses. La combinaison de ces hausses avec des restrictions de prestations dans les assurances complémentaires donne une impression de double peine pour les assurés. De plus, cette hausse continue du coût de la santé entraîne un désengagement progressif des patients les plus vulnérables, qui renoncent parfois à se faire soigner en raison des coûts prohibitifs.

Il faut également noter que cette situation accentue les inégalités en matière d’accès aux soins. Ceux qui peuvent se permettre une assurance complémentaire de haut niveau bénéficieront toujours de soins plus rapides et de meilleures prestations, tandis que les autres devront faire face à des délais d’attente plus longs ou à une prise en charge minimale.

Dès lors, une réflexion de fond s'impose sur la régulation de ces assurances et sur l'équilibre entre liberté contractuelle et protection des assurés. Peut-on imaginer un cadre plus protecteur qui garantirait aux clients une stabilité des prestations sans pour autant freiner l'innovation des assureurs ? Une meilleure régulation permettrait d’éviter que les assureurs puissent modifier unilatéralement leurs conditions de remboursement sans laisser d’alternative aux assurés. Le débat est ouvert, mais une chose est certaine : la transparence et la prévisibilité doivent être au cœur des réformes à venir.

Recommandation

Il est particulièrement important dans ce contexte d'avoir une planification financière et une épargne solide et disponible de 3 à 5 fois son revenu mensuel, afin de faire face à ce type d’imprévu en matière de remboursement s’il devait survenir. Disposer d’un matelas financier adéquat permettrait aux assurés de ne pas être pris au dépourvu en cas de changement soudain des conditions de leur assurance complémentaire.

Enfin, au-delà des précautions individuelles, un débat politique de profondeur pour réformer la santé en Suisse serait l’unique solution pour trouver une solution durable pour l’ensemble des résidents suisses. Une réforme des assurances complémentaires, intégrant une meilleure protection des assurés et des garde-fous contre les modifications arbitraires des prestations, apparaît aujourd’hui comme une nécessité urgente. Sans une action concrète, l’accès à des soins de qualité pourrait devenir un luxe réservé à une minorité privilégiée.

Raphaël Jordi, B.Sc. Econ.

Monday Letter

Inscrivez-vous à la Monday Letter et recevez chaque semaine une analyse claire et percutante sur l'actualité financière suisse.
Recherche