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Les rendements historiques : un indicateur trompeur ?

Les rendements historiques : un indicateur trompeur ?

Le rendement historique du marché actions US de 10 % par an est devenu un pilier des stratégies d'investissement. Cette statistique, largement diffusée, alimente les projections financières et rassure les investisseurs sur les perspectives à long terme. Pourtant, s'appuyer uniquement sur cette moyenne pour prendre des décisions patrimoniales présente des risques significatifs que tout investisseur devrait comprendre.

Une référence datée et contextualisée

Le fameux rendement de 10 % annuel provient principalement du S&P 500 (l’indice des 500 plus grandes capitalisations boursières américaines), calculé depuis les années 1920. Ce rendement moyen, bien que mathématiquement correct sur plus d’un siècle, reflète des conditions économiques très spécifiques : l’essor économique d’après-guerre, la mondialisation, la baisse structurelle des taux d’intérêt et la révolution numérique.

Ces facteurs exceptionnels ont créé un environnement particulièrement favorable à la valorisation des actifs. Penser que ces performances pourront se répéter à l’identique dans les 20 prochaines années suppose un contexte similaire, ce qui est loin d’être garanti.

Les limites d’une moyenne statistique

Une moyenne statistique lisse autant les extrêmes positifs que négatifs. Entre 1982 et 1999, les rendements annuels ont largement dépassé les 10 %, tandis que la décennie 2000–2010 a offert des performances proches de zéro. Ces deux réalités opposées coexistent pourtant dans la même moyenne historique.

Dans ce contexte, les crises boursières, souvent présentées comme des accidents temporaires, prennent une tout autre signification pour un investisseur individuel. Un effondrement du marché peut repousser de cinq ans un projet personnel important : achat immobilier, financement des études des enfants, retraite anticipée...

Ce décalage entre les cycles de marché et les échéances personnelles constitue un risque majeur, trop souvent négligé dans les approches basées uniquement sur les rendements moyens.

Une approche plus réaliste : la simulation de Monte Carlo

Pour dépasser les limites de la moyenne unique, la simulation de Monte Carlo offre une vision plus fine du risque. Cette méthode statistique permet de générer des milliers de scénarios en intégrant :

  • la performance moyenne attendue,
  • la volatilité historique,
  • le hasard dans l’ordre des rendements.

On obtient ainsi une distribution de résultats, et non un chiffre figé. Cela permet de visualiser les probabilités de réussite ou d’échec d’un objectif donné, en fonction des aléas du marché.

Sur un portefeuille diversifié classique, l’écart entre le scénario pessimiste (mais probable) et le scénario optimiste (mais peu probable) est souvent immense. Bien que cette méthode ne soit pas systématiquement utilisée par les petits investisseurs, elle offre un cadre de réflexion puissant pour mieux appréhender le risque réel des marchés.

Le graphique ci-dessus illustre les résultats d’une simulation de Monte Carlo sur 30 ans, pour un portefeuille diversifié de $100'000. Chaque courbe représente un scénario parmi des milliers testé, selon un niveau de probabilité.

On observe que, malgré un placement identique au départ, le résultat final varie fortement :

  • Dans 10 % des cas, le portefeuille termine sous les 230’000 $.
  • Dans 50 % des cas (la médiane), il atteint environ 635’000 $.
  • Et dans les 10 % les plus favorables, il dépasse 1,77 million $, toujours après inflation.

Cette dispersion ne vient pas d’une stratégie différente, mais uniquement de l’ordre d’arrivée des bonnes et mauvaises années, un facteur souvent négligé, mais déterminant. C’est ce qu’on appelle le risque de séquence : deux investisseurs ayant suivi la même stratégie peuvent aboutir à des résultats totalement différents, simplement en fonction du hasard du marché.

Conclusion

Sans forcément entrer dans les détails techniques des simulations ou des modèles, il est essentiel de garder une chose en tête : investir n’a rien de simple. Cela ne peut pas se résumer à une moyenne historique, aussi séduisante soit-elle.

Derrière chaque projection, il y a une réalité plus complexe faite d’incertitudes, de séquences de rendement imprévisibles et de projets de vie qui, eux, ne peuvent pas toujours attendre.

Que ce soit pour préparer sa retraite, financer des études ou acheter un bien, la gestion du risque doit tenir compte de bien plus que des chiffres passés : elle doit intégrer votre horizon, votre tolérance à la perte, vos besoins réels et surtout votre capacité à traverser les mauvaises années sans compromettre l’essentiel.

Raphaël JordiB.Sc. Écon. — Planificateur Financier Dipl. IAF  

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