Une nouvelle réforme est en route concernant l’accès aux prestations dans l’assurance de base : quels changements à prévoir ?
La santé en Suisse est un sujet sensible et complexe. Récemment, un débat politique s’est intensifié autour d’un pilier fondamental de notre système d’assurance maladie obligatoire (LAMal) : l’obligation de contracter. Ce principe impose aux assureurs de rembourser les soins dispensés par tous les médecins agréés, sans distinction. Mais pourquoi cette règle fait-elle débat, et quelles pourraient être les conséquences d’une modification ?
Un principe sous pression
L’obligation de contracter garantit aujourd’hui que tout médecin reconnu par la Fédération des médecins suisses (FMH) et autorisé à exercer puisse facturer ses prestations à l’assurance de base. En d’autres termes, quel que soit l’assureur, les patients ont accès à un large éventail de praticiens. Ce mécanisme a été conçu pour éviter une sélection arbitraire des médecins par les caisses-maladie et pour garantir un accès équitable aux soins.
Mais ce principe montre aussi ses limites. La densité médicale est inégalement répartie, avec une concentration plus forte dans certaines régions, notamment là où les tarifs sont plus élevés. Cette situation, combinée à l’obligation pour les assureurs de rembourser toutes les prestations, alimente la hausse des coûts de la santé. C’est dans ce contexte que certains partis politiques, notamment du centre et de la droite, ont décidé de remettre cette obligation en question.
Une réforme en préparation
Le débat s’est récemment accéléré au Parlement. Le 13 mars 2024, le Conseil national a adopté une motion obligeant le Conseil fédéral à se pencher sur cette question et à proposer des solutions. L’idée sous-jacente ? Permettre aux assureurs de sélectionner les médecins avec lesquels ils souhaitent travailler, dans l’espoir de mieux réguler l’offre de soins et de freiner l’augmentation des coûts.
Si l’objectif affiché est une meilleure maîtrise des dépenses, les conséquences d’un tel changement soulèvent des interrogations. En supprimant l’obligation de contracter, les assureurs pourraient décider d’exclure certains praticiens du remboursement, limitant ainsi le choix des patients. De plus, cette nouvelle dynamique pourrait influencer la manière dont les médecins prescrivent les traitements, en les incitant à privilégier des solutions conformes aux attentes des caisses-maladie plutôt qu’aux seuls besoins du patient. Aujourd’hui, le principe d’économicité, déjà en vigueur dans la LAMal, impose aux médecins de justifier la pertinence et le coût des soins. Mais la suppression de l’obligation de contracter donnerait aux assureurs une marge de manœuvre bien plus grande pour contester les factures et orienter les pratiques médicales.
Quels impacts pour les assurés ?
La question reste ouverte : cette réforme permettrait-elle réellement une baisse des coûts pour les assurés, ou risque-t-elle d’entraîner une réduction de l’accès aux soins ? L’exemple de certains pays ayant introduit des systèmes similaires montre que si une régulation plus stricte des médecins peut freiner les dépenses, elle peut aussi aboutir à des inégalités dans l’accès aux soins.
Le Conseil fédéral devra donc naviguer avec prudence. Entre volonté de contenir les coûts et nécessité de garantir un accès aux soins pour tous, cette réforme pourrait bien redessiner en profondeur le paysage médical suisse. Reste à savoir si elle ira jusqu’au bout et, surtout, à quel prix.
À suivre…
Raphaël Jordi, B.Sc. Econ.