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En Suisse, le concubinage ne bénéficie d’aucune reconnaissance particulière dans la loi. Pourtant, de nombreux couples partagent leur vie, achètent un bien immobilier, élèvent des enfants… sans être mariés. Ce choix de vie, parfaitement légitime, peut cependant entraîner des conséquences lourdes si aucune mesure n’est prise, notamment en cas de décès ou de séparation.
En cas de décès : le partenaire n’est pas héritier légal
Contrairement aux couples mariés, les concubins ne sont pas considérés comme des héritiers légaux. Sans testament ou pacte successoral, le partenaire survivant n’a tout simplement droit à rien. Si des enfants ou d’autres héritiers légaux sont présents, ils recevront la totalité de la succession.
Depuis la réforme du droit successoral en 2023, il est possible de léguer une part plus importante de sa fortune à son partenaire : la réserve héréditaire des enfants a été réduite à 50 %. Mais encore faut-il avoir rédigé un testament. Sans cela, le partenaire survivant peut se retrouver non seulement exclu, mais également contraint de vendre la maison commune pour verser les parts d’héritage aux autres héritiers.
Des impôts successoraux souvent dissuasifs
Autre difficulté : la fiscalité. Dans certains cantons, les concubins sont imposés comme des étrangers. Par exemple, à Neuchâtel, un héritage de 500'000 francs transmis à un partenaire de vie peut générer jusqu’à 100'000 francs d’impôts.
Quelques cantons appliquent des taux réduits lorsque la relation dure depuis plus de cinq ou dix ans, mais cela reste l’exception. À noter toutefois que depuis 2025, le canton du Valais a supprimé l’impôt sur les successions entre concubins (art. 112 al. 1 let. a de la loi fiscale valaisanne), ce qui en fait l’un des rares cantons à reconnaître pleinement cette forme de vie commune sur le plan fiscal.
Une planification successorale personnalisée permet souvent de limiter la charge fiscale grâce à une combinaison judicieuse d’assurances, de clauses bénéficiaires et de dispositions testamentaires.
Prévoyance : la rente de concubin n’est pas automatique
En matière de prévoyance professionnelle (LPP), de nombreuses caisses de pension prévoient des prestations pour le partenaire survivant, mais à des conditions strictes:
- vie commune d’au moins cinq ans,
- enfant commun ou soutien financier substantiel,
- désignation explicite du partenaire via un formulaire.
Même si un testament désigne le partenaire comme héritier, cela ne suffit pas toujours : la caisse de pension appliquera son propre règlement. Plusieurs décisions judiciaires récentes ont confirmé que l'oubli de remplir le bon formulaire peut suffire à exclure toute rente ou capital décès.
Un contrat de concubinage (exemple ici), bien que non obligatoire, peut servir de preuve et faciliter la reconnaissance des droits du partenaire survivant.
Pilier 3a et libre passage : attention à la clause bénéficiaire
Les avoirs du 3e pilier et des comptes de libre passage peuvent être transmis à un concubin, mais là encore, il faut anticiper. Il est impératif de notifier la fondation concernée par écrit et de respecter certains critères (durée de vie commune, enfant commun, etc.).
En cas d'oubli, ces fonds peuvent être redistribués selon l’ordre légal, voire être contestés par les héritiers réservataires.
Logement : attention à la forme de propriété
Acheter un logement à deux sans être mariés demande une réflexion rigoureuse. Propriété individuelle, propriété commune ou copropriété : chaque forme entraîne des conséquences différentes en matière de succession, de séparation ou de refinancement.
Exemple : en copropriété, chacun est propriétaire à hauteur de sa contribution. En cas de décès, sans disposition particulière, la part du défunt revient à ses héritiers – pas au partenaire. Là encore, la planification (testament, clauses spécifiques, assurances) est essentielle pour éviter une vente forcée.
En résumé
Le concubinage offre une grande liberté dans la vie quotidienne, mais cette liberté s’accompagne d’une responsabilité importante en matière de prévoyance, de succession et d’organisation financière. Sans protection adéquate, le partenaire survivant peut se retrouver dans une situation difficile, malgré des années de vie commune.
Un conseil neutre et personnalisé permet d’identifier les risques et de mettre en place les solutions adaptées : testament, assurance-décès, clause bénéficiaire, contrat de concubinage, etc.

Raphaël Jordi, B.Sc. Écon. — Spécialiste Assurance / Prévoyance IAF
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